Ten Years of Canadian Prostitution Law: Critique and Challenges in Achieving Equality

By Martine B. Coté

Cover image by Martine B. Coté. Shows CAP International World Congress 2024, Montréal Canada.

The English version is followed by the French version.

La version anglaise est suivie de la version française.

Our law is ten years old…

Ten years ago, amidst a difficult legal debate, Canada adopted the abolitionist approach to prostitution, (The Nordic Model). It was adopted by one of the worst conservative government this country has ever known. When it comes to the struggles around the issues of prostitutions, left wing parties are unfortunately increasingly letting us down.

We have celebrated this victory despite the bitterness of seeing it coming for a political party we abhor.

The Canadians version of the model is far from perfect, far from being implemented in all the provinces of the country, but it is in essence a revolutionary law… because it revolutionise the way people think about prostitution.

Like elsewhere, a significant part of the populations has convinced itself that prostitution has existed since the dawn of time and that it will always exist. This law rejects this premise. This law states that prostitution is a form of exploitation that we can end. This law revolutionises our ability to imagine another world, to think about the causes of prostitution in a completely different way. In Canada and everywhere else, too many people still believe that if prostitution exists it is because there are some women to whom this is a job like any other, not worse than any other jobs. Instead, this law emphasises that prostitution exists because there are men who create it, maintain it and benefit from it. It is those men who should carry the burden of the consequences the women in prostitution have to face.

This law sends the message that our society will not tolerate anymore the endless set ups of areas, locations, accommodations for men to be able to purchase sexual acts like if it was their rights.

Like anywhere else in the world, this law is regularly disputed by organisations spending considerable financial means into legal procedures. In Canada also, the medias do not seem to understand this legal model. They broadcast untruths propagated by those organisations, and use idioms like “sex work” without questioning the political significance of such terms. Like everywhere else, it is pimps and the sex industry’s enablers who benefit from those lies about the law, facilitating their control over the victims.

For the 10 years anniversary of our law, I dream of a public campaign initiated by the government highlighting that in this country, it is the  pimps and punters who will be penalised and that the people who sell their own sexual services will receive a full immunity. I dream of seeing fundamental elements of this model set up, such as a full exit strategies out of prostitution, in the way they were implemented in France.

Like anywhere else, we, feminists fighting for the abolition of prostitution, survivors of the sex trade and our allies, carry on fighting. We fight for the removal of the only section of the criminal law that still penalises a prostituted person, the section that states that people can’t sell their services near a school, a childcare centre or a church (art. 213.1), despise the fact that there have been virtually no prosecutions under this provision. Like every feminists fighting for the abolition of prostitution, we believe that a prostituted woman should never, under no circumstances, be held responsible of selling sexual acts.

Despite its timid implementation, this law keeps changing things for women lives in the sex trade. The laws says that as a society we believe the debate should now be focusing on men’s choice to purchase sex acts, not on women’s choice to engage in prostitution. This law considers that it is not possible to make prostitution safe or safer - countries like Germany or the Netherland have tried and failed - and that the only way for violence against women in the sex trade to stop, is for prostitution itself to decline.

 

This is a revolutionary way to think and like every revolutions, it invites us to the challenging exercise of imagining another world.

A world free from any form of exploitation, consented to or not.

 

Martine B. Côté 

Lawyer and co-author of Faire corps, guerre et paix autour de la prostitution comme fatalité 

Activist and worker at LA CLES

Notre loi a 10 ans… 

 

Il y a 10 ans, dans un contexte de débats juridiques difficiles, le Canada adoptait le modèle abolitionniste en matière de prostitution.  C’est un gouvernement conservateur parmi les pires que le pays ait connu qui l’a adoptée. Malheureusement, sur les enjeux qui concernent la prostitution, les partis de gauche nous abandonnent de plus en plus… 

Nous avons donc savouré cette victoire en dépit du sentiment amer qu’elle provienne d’un parti politique que nous abhorrons. 

La version canadienne de ce modèle est loin d'être parfaite, loin d'être appliquée dans toutes les provinces du pays mais dans son essence, cette loi est révolutionnaire…  

parce qu’elle révolutionne notre façon de penser la prostitution. 

Comme partout ailleurs, une bonne partie de la population canadienne se dit que la prostitution existe depuis la nuit des temps et qu’elle existera toujours. Cette loi refuse ce postulat. Cette loi dit que la prostitution est une forme d’exploitation à laquelle on peut mettre fin. Cette loi révolutionne notre capacité à imaginer un autre monde, à penser autrement les causes de la prostitution. Trop de gens au Canada, comme partout ailleurs, se disent que si la prostitution existe c'est qu'il y a des femmes pour qui c'est un travail comme les autres, pas pire qu’un autre. Cette loi met plutôt l’accent sur le fait que si la prostitution existe, c’est parce qu'il y a des hommes pour la créer, la maintenir et la faire fructifier et que c’est à eux qu'on doit faire porter le fardeau des conséquences que laisse la prostitution chez les femmes. Cette loi envoie le message que notre société ne tolère plus que nous aménagions sans fin des espaces, des lieux, des accommodements pour que des hommes puissent acheter des actes sexuels comme s’il s’agissait d’un droit. 

Comme partout ailleurs cette loi est régulièrement contestée par des organisations qui mettent beaucoup de moyens financiers dans des démarches juridiques. Chez nous aussi, les médias ne semblent pas comprendre ce modèle législatif, diffusent les faussetés propagées par ces organisations et se font les porteurs d'expressions comme travail du sexe sans en questionner la portée politique. Et comme partout ailleurs, ce sont les proxénètes et les facilitateurs de l'industrie qui profitent des faussetés répandues autour de la loi, facilitant ainsi leur emprise sur les victimes. 

Pour les 10 ans de notre loi, je rêve d'une campagne publique provenant du gouvernement indiquant qu'ici ce sont les prostitueurs qui sont pénalisés et qu'une immunité est offerte aux personnes qui vendent leurs propres services sexuels. Je rêve de la mise en place d’un élément fondamental de ce modèle que ce sont les parcours de sortie de prostitution mis sur pied en France.  

Comme partout ailleurs, nous, les féministes abolitionnistes canadiennes, survivantes de prostitution et alliées, nous continuons de nous battre. Pour le retrait du seul article au Code criminel qui pénalise encore une personne en situation de prostitution, soit l'article qui stipule qu'une personne ne peut vendre ses services près d'une école d'une garderie ou d'une église (art. 213.1), malgré la quasi-absence de poursuites en vertu de cette disposition. Parce que comme toutes les abolitionnistes, nous croyons qu’une femme en situation de prostitution ne doit jamais, en aucune circonstance, être tenue responsable du fait qu’elle vende des actes sexuels. 

Malgré son application timide, cette loi continue de changer beaucoup de choses dans la vie des femmes en situation de prostitution. Elle leur dit que la société considère que c'est sur le choix des hommes d'acheter du sexe que doit maintenant porter le débat de société et non pas leur choix à elle d'avoir des activités de prostitution. Cette loi considère que la prostitution n'est pas sécurisable- des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas l’ont tenté en vain-  et que la seule manière pour les femmes en situation de prostitution que les violences à leur égard cessent c'est que la prostitution diminue. 

 

C'est une façon de penser révolutionnaire et comme toutes les révolutions, elle nous invite au difficile exercice d’imaginer un autre monde. 

Un monde sans aucune forme d’exploitation, qu’elle soit consentie ou non. 

 

Martine B. Côté 

Juriste et coautrice de Faire corps, guerre et paix autour de la prostitution comme fatalité  

Militante et travailleuse à la CLES